Le protestantisme, la République et sa devise ainsi que la laïcité

Publié le par la rédaction

Culte à l'Église réformée (EPUdF) de Sedan
le 14 juillet 2013.
 
Prédication de Jo Mottet
 
Réflexions sur la devise républicaine
 
Exceptionnellement, la prédication de ce jour ne sera pas liée directement à un texte biblique. Il m’a semblé intéressant d’examiner les liens entre le protestantisme, la République et sa devise ainsi que la laïcité.
 
Et tout d’abord un peu d’histoire avec trois acteurs et témoins. Les deux premiers sont pasteurs, père et fils. Après ses études en théologie à Lausanne, Paul Rabaut-Saint-Étienne revint dans sa région de Nîmes où il fut pasteur durant plus d’un demi-siècle. Il anima les assemblées du désert. Il correspondit avec les prisonnières de la tour de Constance, dont Marie Durand. Il devint un pasteur renommé. Pourchassé mais jamais pris. Il envoya aussi son fils Jean-Paul étudier à Lausanne. Il revint pasteur à Nîmes pour aider son père. Tous deux rédigèrent des mémoires pour améliorer la situation des protestants. Lorsque les persécutions se calmèrent grâce à l’évolution des esprits (voir Voltaire et l’affaire Calas), ils prirent contact avec des esprits éclairés comme La Fayette et Malesherbes.
 
Le combat fut long et le résultat mince. En 1787, les protestants obtinrent seulement de Louis XVI la reconnaissance de l’état-civil. Mais, enfin, ils existaient légalement. En 1789, Jean-Paul Rabaut-Saint-Étienne, qui était également franc-maçon, fut élu député du tiers-état à Nîmes. Il devint président de l’Assemblée, participa activement aux travaux pour l’établissement d’une Constitution. Son discours du 28 août 1789 est célèbre. Il se termine par : « Ce n’est même pas la tolérance que je réclame, c’est la liberté ». Cette liberté de conscience sera accordée quelques semaines plus tard et la liberté de culte en 1791. Élu représentant de l’Aube à la Convention, Jean-Paul Rabaut-Saint-Étienne fut arrêté avec les Girondins et exécuté en 1793. Son père, arrêté également, mourut en prison en 1794.
 
Une autre figure qui montre le rôle des protestants dans la République est moins connue actuellement. Ferdinand Buisson fait partie de ce que l’on appelle le protestantisme libéral et était également franc-maçon comme Jean-Paul Rabaut-Saint-Étienne. Fonctionnaire et pédagogue, il devint directeur de l’enseignement primaire. Proche de Jules Simon et de Jules Ferry, il devint député radical de la Seine. Président de l’Association nationale des libres-penseurs, il est le créateur du concept de laïcité. En 1905, il présida la commission de séparation de l’Église et de l’État. Fondateur et président de la Ligue des droits de l’homme, il reçut en 1927 le prix Nobel de la Paix pour son action de rapprochement avec l’Allemagne. Ces figures ne sont qu’un petit exemple de l’action de nombreux protestants pour la République.
 
Venons-en maintenant à la devise républicaine : « liberté, égalité, fraternité ». Je ne sais si ce sont des coreligionnaires qui l’ont trouvée mais, en tout cas, elle nous convient fort bien.
 
« La liberté est le caractère distinctif de la foi chrétienne : liberté vis-à-vis du péché et de la culpabilité, liberté aussi de profiter et de jouir de tout ce que Dieu nous donne » (Bible Segond 21-Vie nouvelle). Paul nous dit dans la première épître aux Corinthien (6,12) : «  tout m’est permis, mais tout n’est pas utile ; tout m’est permis, mais je ne me laisserai dominer par quoi que ce soit. » Et il s’empresse d’ajouter au verset 19 : « votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu. Vous ne vous appartenez pas à vous-mêmes car vous avez été rachetés à grand prix. » D’ailleurs, dans la deuxième épître aux Corinthiens, chapitre 3, 17, il enfonce le clou : « le Seigneur, c’est l’Esprit, et là où et l’Esprit du Seigneur, c’est la liberté. » Au début du cinquième chapitre de la lettre aux Galates, il est tout aussi clair : « C’est pour la liberté que Christ nous affranchis. Tenez donc ferme dans cette liberté et ne vous placez pas de nouveau sous la contrainte d’un esclavage. » Esclavage étant ici pris dans le sens financier, sexuel, addictif ou autre.
 
Pour l’égalité, ouvrons à nouveau le Livre et restons-en à Paul. A 1 Corinthiens, 3, 6-8, « J’ai planté, Apollos a arrosé, mais c’est Dieu qui a fait grandir. Ainsi, ce n’est pas celui qui plante ou celui qui arrose qui compte, mais Dieu, qui donne la croissance. Celui qui plante et celui qui arrose sont égaux et chacun recevra sa propre récompense en fonction de son propre travail. » Nouvelle précision aux versets 21 et 22 : « que personne ne mette sa fierté dans des hommes, car tout vous appartient, que ce soit Paul, Apollos, Céphas, le monde, la vie, la mort, le présent ou l’avenir. Tout est à vous, et vous êtes à Christ, et Christ est à Dieu. »
Et on en arrive à la fraternité avec les versets 12 à 15 du chapitre 8 de la seconde lettre aux Corinthiens : « Quand la bonne volonté existe, on est bien accueilli en fonction de ce que l’on a, et non de ce que l’on n’a pas. En effet, il ne s’agit pas de vous exposer à la détresse pour en soulager d’autres, mais de suivre un principe d’égalité : dans les circonstances actuelles votre abondance pourvoira à leurs besoins, afin que leur abondance pourvoit aussi à vos besoins. C’est ainsi qu’il y aura égalité, conformément à ce qui est écrit : celui qui avait ramassé beaucoup n’avait rien de trop et celui qui avait ramassé peu ne manquait de rien. »
 
Nous en arrivons à la fraternité. En fait, nous y sommes déjà. Avec la première épître de Jean (3, 16-17) : « voici comment nous avons connu l’amour : Christ a donné sa vie pour nous ; nous aussi, nous devons donner notre vie pour les frères et sœurs. Si quelqu’un qui possède les biens de ce monde voit son frère dans le besoin et lui ferme son cœur, comment l’amour de Dieu peut-il demeurer en lui ? » La fraternité, pour nous chrétiens, c’est l’amour du prochain. Tout le 13è chapitre de la première lettre aux Corinthiens est un véritable hymne à l’amour. Paul dit qu’il a beau avoir telle ou telle qualité, sans l’amour, il n’est rien. Et son lyrisme s’envole : « L’amour est patient, il est plein de bonté ; l’amour n’est pas envieux, ; l’amour ne vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne soupçonne pas le mal, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité, il pardonne tout, il croit tout, il supporte tout. L’amour ne meurt jamais. »
 
Les versets qui rassemblent le mieux les volets de la devise républicaine sont ceux de l’épître aux Galates (chap. 5, 13 et 14) : « Frères et sœurs, c’est à la liberté que vous avez été appelés. Seulement, ne faites pas de cette liberté un prétexte pour suivre les désirs de votre nature profonde. Au contraire, soyez par amour les serviteurs les uns des autres, en effet, toute la loi est accomplie dans cette seule parole : tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
 
Et voilà beaucoup de citations bibliques ! Chacune aurait pu faire l’objet d’un prêche. Et j’aurais pu en rajouter bien d’autres. Le but recherché était simplement de vous montrer combien, quoique persécutés, les protestants français ont participé à la construction de la société civile et combien le socle de cette société leur est proche. Et quand vous verrez au fronton d’une mairie ou d’un édifice public « Liberté, égalité, fraternité », que votre regard devienne une prière.
Amen.
 
Source : Église réformée de Sedan, publié dans Prédications par Vincent Defert, le 27 juillet 2013
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