Le Royaume de Dieu, une réalité à venir ou une réalité présente ?

Publié le par la rédaction

Le royaume de Dieu : un futur ou un présent ?
 
Le Nouveau Testament nous parle fréquemment du Royaume de Dieu(1) ; mais il ne le définit pas. Tantôt il le présente comme une réalité à venir, par exemple « que ton règne vienne » dans le Notre Père ; tantôt il le mentionne comme une réalité présente, notamment dans le célèbre verset de Luc « Le royaume de Dieu est parmi vous » (Luc 17,21)(2). Aujourd’hui, pour certains théologiens, cette opposition entre présent et futur serait à dépasser car il s’agit, en fait, de notre attitude présente face à un Royaume qui vient, donc de notre engagement dès maintenant (hic et nunc) ... Notre propos, aujourd’hui, a été de nous inspirer de Wilfred Monod et d’Albert Schweitzer.
 
(1) Notamment les trois évangiles synoptiques. A noter que Matthieu parle plutôt de « Royaume des Cieux ».
(2) La traduction de ce verset fait problème. Il y a plusieurs possibilités (au dedans de vous, parmi vous, entre vos mains) sur lesquelles Laurent Gagnebin s’est étendu en détail. : « Il arriva peu à peu que l’Église, de plus en plus tournée vers le ciel oublia que son mandat consistait à établir la justice ici-bas, tandis que l’esprit moderne, au contraire, de plus en plus tourné vers la terre, oublia que sa mission consistait à préparer les âmes pour la vie supérieure ». Wilfred Monod ne conteste pas la croyance au Ciel mais affirme que ce dernier ne se confond pas avec le Royaume. Il faut faire descendre le Ciel sur la terre, en d’autres termes transfigurer la terre (Jésus n’enseigne pas comment finit le monde mais comment le transformer), préparer sur cette terre le retour du Christ. Le Royaume de Dieu n’est pas un ailleurs mais un plus tard. Croire à la vie future c’est d’abord croire à la vie présente. Cette croyance est un engagement, une décision à prendre ici et maintenant. Le Royaume de Dieu est donc un présent en vue d’un futur.
 
Le Christianisme social et le Royaume de Dieu : l’exemple de Wilfred Monod
 
Pour Wilfred Monod (1867 -1943), un des animateurs du Christianisme social, « être chrétien c’est vouloir, avant tout et contre tout, le Royaume de Dieu ». Car le Royaume de Dieu est au centre de la prédication des prophètes ; il est une réalité messianique, liée au Messie, c’est-à-dire à Jésus ; il n’est pas seulement spirituel, il implique la justice sociale. Il n’y a donc pas de vrai christianisme qui ne soit à la fois spirituel et social. Le Royaume de Dieu ne saurait être ni une réalité purement intériorisée, ni une réalité seulement ecclésiastique, ni une réalité relevant du seul progrès humain, en dehors de Dieu.
 
Albert Schweitzer et le Royaume de Dieu
 
Pour Albert Schweitzer, le Royaume de Dieu est le centre de la prédication de Jésus : « le mystère du Royaume de Dieu contient le mystère total de la conception chrétienne du monde ». L’affirmation par Jésus que le « Royaume de Dieu est proche » éclaire toute sa vie, toute son action, tout son enseignement. Là est l’essentiel, qui tourne notre regard en avant, plus que vers le passé et la croix rédemptrice.
 
Albert Schweitzer souligne que Jésus, et à sa suite Paul et les premiers chrétiens, attendaient l’avènement imminent d’un monde surnaturel, une catastrophe cosmique qui mettrait fin à notre monde naturel. Le Royaume de Dieu était ainsi à comprendre sur la toile de fond d’une certaine apocalyptique, ce qui impliquait dès le présent une éthique nous préparant à cet événement. Cette alliance de l’éthique et de l’eschatologie est le propre de la prédication de Jésus, chacune appelle l’autre ; l’attente du royaume de Dieu est inséparable de l’amour du prochain.
 
Or l’événement attendu ne s’est pas produit ; on l’attend depuis 2000 ans. Donc, dit Albert Schweitzer, Jésus s’est trompé (il scandalise ainsi tous les orthodoxes) ; mais, dit-il aussi, il faut prendre au pied de la lettre cette annonce de l’imminence du Royaume de Dieu, en comprenant que le message de Jésus dépasse le cadre culturel qui l’a vu naître ; pour nous ce message fonde le lien entre amour et espérance. Le christianisme est une attitude éthique où triomphe, portée par l’espoir d’une victoire possible, une relation d’amour entre Dieu et les hommes et donc aussi entre les hommes. Le christianisme est une religion de la foi en cette victoire qui motive notre action présente.
 
Le Royaume de Dieu, un futur ou un présent ? Ce ne saurait être un futur mythique que nous attendrions passivement. C’est un futur et un présent, un présent en vue d’un futur qui motive notre présent.
 
Laurent Gagnebin,
Professeur émérite de la Faculté libre de théologie protestante de Paris.
 
Conférence donnée à l'Église réformée d'Auteuil le 04 mars 2006.
 
Source : Église réformée d'Auteuil, Études et Recherche d'Auteuil
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