En route sans le savoir

Publié le par Catherine Zuber

Dieu appelle
 
En route sans le savoir
 
« Que l’affection fraternelle demeure . N’oubliez pas l’hospitalité : il en est qui en l’exerçant ont à leur insu logé des anges. Souvenez-vous des prisonniers, comme si vous étiez en prison avec eux, et de ceux qui sont maltraités, puisque vous aussi êtes dans un corps ».
 
Le titre que j’ai choisi parle d’un appel. C’est bien de cela qu’il s’agit et j’en parlerai tout à l’heure.
 
A présent, je voudrais évoquer le sous-titre que j’ai employé : « En route sans le savoir ».
 
En effet, pendant les années qui ont précédé ce fameux « appel », regardant aujourd’hui dans le « rétroviseur », je m’aperçois que les chemins que je suivais ont tous convergé, à un moment, vers une route qui me menait vers la prison. Ces chemins me préparaient, de manière évidente, à exercer ce ministère d’aumônier.
 
En premier lieu, ma formation de conseillère conjugale et familiale m’amenait à pratiquer fréquemment des entretiens d’aide. Parents en recherche, quelquefois en perdition, adolescents dans la souffrance, enseignants en difficulté etc., étaient mes interlocuteurs. Il m’appartenait de me tenir à leur service, c'est-à-dire à écouter, regarder, se laisser toucher en son humanité, avant même de répondre et de donner quoi ce soit.
 
Puis, j’ai souhaité recevoir un enseignement biblique et théologique. Je l’ai reçu d’une part au séminaire interdiocésain d’Avignon et d’autre par à la Faculté Protestante de Théologie de Strasbourg. Cette formation, en plus d’un enrichissement réel, a nourri ma réflexion.
 
Ainsi, le jour où le pasteur de ma paroisse me dit « Pourquoi pas toi ? » en réponse à la préoccupation que j’exprimais concernant le remplacement de l’aumônier de la prison d’Avignon, décédé depuis peu, même si je fus interloquée, je pense aujourd’hui qu’il m’arrivait quelque chose d’assez logique.
 
Ma première réponse fut : « je n’en serai jamais capable ! »
 
Pourtant, après réflexion, cet appel devint une évidence.
 
Du fait de mon métier, j’avais été amenée à réfléchir à l’énigme de la souffrance, à la question de l’épreuve. Epreuve de la défaillance physique, psychique, épreuve de la faute commise, de la faute subie. Epreuve de la séparation , de la solitude et de l’abandon. Se mettre à l’écoute de cet appel n’avait rien de simple, ni de facile. Parce qu’obéir à Dieu c’est souvent se mettre à contre-courant, c’est se séparer de certains amis, sans être sûr de retrouver d’autres appuis ailleurs.
 
« Est-ce que tu comptes convertir des gens qui sont des bourreaux ? » me disait-on ?
 
Mais un tel appel se refuse-t-il ?
 
L’apôtre Jean a dit : « Si quelqu’un dit j’aime Dieu et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur ».
 
En prison, nous sommes appelés à aimer non seulement le détenu, mais aussi le gardien, le directeur, l’ensemble du personnel, sans crainte et avec obstination.
 
Tout à l’heure j’ai évoqué les épreuves. Les personnes détenues cumulent souvent un certain nombre de ces épreuves. Elles sont condamnées à l’épreuve de la tristesse, de l’ennui, du désespoir, de l’inconfort, de la fatigue, de la maladie et peut-être de la mort. Condamnation condamnée par nombre de textes de la Bible et Jésus lui-même.
 
Maurice Bellet dit : « Il n’y a pas d’homme condamné ». Il me semble que si l’aumônier a quelque chose à faire en prison, c’est d’abord d’annoncer cela et de faire en sorte que ce soit vrai. Reconnaître que l’innocence demeure en chaque homme quoi qu’il ait fait, tendre l’oreille pour entendre l’innocence qui se dit.
 
Je ne crois pas qu’il faille aller en prison pour que des femmes ou des hommes se convertissent. Peut-être vaut-il mieux leur parler de Jésus qui disait à la femme adultère : « Personne ne t’a condamnée ? Moi non plus je ne te condamne pas », et ainsi que soit plus tard entendue cette autre parole : « va et désormais ne pêche plus ».
 
Le ministère d’aumônier en prison, me semble-t-il, nous demande d’être là comme un coupable aux côtés des coupables. C’est en prenant conscience de ma propre violence que j’ai acquis la certitude que je pourrais bien être de cet autre côté, c'est-à-dire en prison, si la vie avait été moins clémente avec moi.
 
Pour conclure, l’aumônier de prison me paraît être appelé à accompagner les personnes détenues, non pas à partir de ses forces et de ses certitudes, mais sans doute à partir de ses questions, de ses incertitudes, de ses brouillards partagés.
 
Il et invité à être un témoin de ce regard porté sur les être humains qui ne les classe pas dans des catégories, et qui ne les met pas derrière des murs.
 
Catherine Zuber,
Avignon

Publié dans Témoignages

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