Que faire des versets difficiles, inquiétants ou violents dans les textes sacrés ?

Publié le par la rédaction

Faut-il réécrire les textes sacrés ?
 
Les écrits fondateurs des grandes religions « du livre » que sont le judaïsme, le christianisme et l’islam contiennent de vrais trésors de spiritualité. La plus grande partie des textes des Bibles juives et chrétiennes ainsi que du Coran invitent ceux qui les lisent à s’interroger sur le sens de leur existence, à tourner le regard vers plus grand qu’eux-mêmes et à développer une éthique respectueuse du prochain. Cela dit, dans ces mêmes livres, certains versets heurtent, non sans raison, la sensibilité de nombreux lecteurs contemporains. Certains passages invitent à la violence, à rejeter certaines catégories de personnes ou à tenir les femmes dans un statut inférieur. En outre, plusieurs passages sont manifestement en contradiction avec les découvertes scientifiques.
 
Depuis longtemps, les religions se sont demandé que faire des versets difficiles, inquiétants ou violents que leurs textes sacrés contiennent. On peut évoquer deux grandes options. La plus classique se retrouve déjà chez la plupart des penseurs de l’Antiquité. Dans une large mesure, elle reste d’actualité pour de nombreuses communautés religieuses tant libérales que traditionalistes. Il s’agit d’affirmer qu’un texte ne doit pas toujours être pris dans son sens littéral, mais qu’il doit être interprété pour être bien compris. L’interprétation peut être métaphorique, symbolique, spirituelle, psychologique ou autre. Par exemple, les appels à la guerre figurant dans certains textes sacrés sont souvent interprétés comme des métaphores du combat spirituel que devrait mener l’âme humaine contre le mal. Une autre option s’est développée à l’époque moderne, dans des milieux et par des théologiens juifs et chrétiens libéraux. Il s’agit d’assumer le fait que les textes fondateurs sont des productions historiquement situées et qu’il faut les replacer dans leur contexte de production pour en comprendre la signification. Ainsi, la façon dont la Bible parle de la création du monde ne correspond pas à la réalité scientifique, mais à la façon dont on se la représentait dans l’Antiquité. Quant aux règles parfois étranges figurant dans le droit biblique, elles répondaient à des problématiques sociales qui ne se posent plus du tout de la même façon aujourd’hui.
 
Un manifeste publié dans « Le Parisien » le 21 avril suggère de supprimer des textes sacrés les versets difficiles. Le Coran est visé, mais la Bible est aussi évoquée. Cette idée censée éviter les lectures fondamentalistes et criminelles de certains versets est étrange. En poussant cette logique à l’extrême, pourquoi ne pas exiger des religions des textes si lisses qu’ils ne poseraient plus aucun problème à personne ? C’est absurde, les textes sacrés sont riches et complexes comme la grande littérature ou la grande poésie. A-t-on jamais pensé à expurger Homère des passages violents qui pourraient inspirer des nostalgiques de l’Antiquité (et il y en a eu au siècle dernier…) ? Par contre, ce que les signataires du manifeste auraient pu légitimement demander aux religions, c’est de promouvoir des interprétations de leurs textes fondateurs qui soient cohérentes, respectueuses du bien commun et critiques.
 
Jean-Daniel Macchi,
professeur d’Ancien Testament
à la Faculté autonome de théologie protestante
 
Source : La Tribune de Genève, le 09 mai 2018
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Publié dans Billet, Jean-Daniel Macchi

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L
" ... promouvoir des interprétations de leurs textes fondateurs qui soient cohérentes, respectueuses du bien commun et critiques " Oui, et d'abord critiques car c'est de l'effort incessant d'analyse et d'exégèse que tout le reste dépend. "La lettre tue, l'esprit vivifie" : déconstruire et reconstruire sans fin la lettre, le mot ou le iota, ou le trait de lettre - ce qui est au premier chef l'apanage de l'exercice midrashique - est par excellence l'oeuvre de l’intelligence qui s'ouvre tout entière à l'esprit. Le littéralisme - Dieu a dit (Dieu interdit de, Dieu oblige à, Dieu condamne qui ...), la Bible dit, il est écrit dans le Coran - n'est jamais, n'a jamais été qu'un obscurcissement de ce qui nous est venu comme un don de lumière. Q'une oeuvre de mort, en ce que cet obscurcissement se propose immanquablement en nourriture au fanatisme et à la haine. "Pour chaque verset, il y a sept lectures" : s'exclut du spirituel toute lecture qui méconnaît que nous ne recevons au mieux des bribes de lumière, parcellaires ou infimes, contradictoires ou insondablement obscures ; et que foi et prière se conjuguent dans l'injonction qui nous est faite de grandir dans le croire en interrogeant le Livres, et de le faire jusqu'à ce que les temps soient accomplis pour le très peu de clarté que nous en retirerons. En regard de cette injonction d'une transcendance très aimante et donc "éducatrice", s'arrêter aux verset inquiétants et cruels appartient d'abord au registre du dérisoire.
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B
Un bon moyen de résoudre définitivement la grande majorité des problèmes suscités par les "textes sacrés" est de les interpréter spirituellement.<br /> <br /> Ces textes sont des images, des métaphores, des paraboles, etc.<br /> <br /> Si la femme "soumise à l'homme" est une image de l'âme (irrationnalité) soumise à l'esprit (rationnalité), tous les passages probématiques sur ce thème, y.c. le récit d'Adam et Eve, s'universalisent et deviennent valides à toute époque, tout lieu, toute culture non obscurantiste.<br /> <br /> Si les guerres sont comprises comme des guerres à l'intérieur de notre être, tout devient lumineux.<br /> <br /> etc.<br /> <br /> Car en définitive, dit Paul, ces choses ont été écrites pour notre instruction, et c'est spirituellement qu'on les comprend.
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