Nous sommes tous théologiens

Publié le par la rédaction

Tous théologiens

« Je ne suis pas un théologien ! Je ne suis pas un intellectuel ! » Que de fois entendons-nous cela ! Pour celles et ceux qui s'expriment ainsi la théologie apparaît comme une discipline complexe, savante et réservée à quelques spécialistes. Elle contient des idées souvent abstraites et nous renvoie à des problèmes dont nous ne percevons pas vraiment les enjeux. Les théologiens utilisent des mots difficiles à comprendre et à traduire dans la langue de tous les jours. Faire de la théologie semble donc imposer des éléments que tout le monde ne peut pas acquérir : une culture importante, de l'aisance à manier les concepts, une méthode de travail rigoureuse... bref, des qualités d'intellectuels qui sont loin d'être partagées par tous.
Cette réaction est légitime si nous avons seulement à l'esprit la théologie dite « académique ». Celle-ci est produite par des universitaires et obéit en effet à des exigences de rigueur très stricte. Elle cherche à répondre à des questions dont nous ne saisissons pas toujours l'importance mais qui traversent pourtant l'histoire de la pensée théologique. Cette discipline développe son propre vocabulaire et se doit parfois d'inventer des mots car ceux que nous employons tous les jours ne permettent pas forcément d'alimenter une pensée qui se veut conceptuelle. Cette théologie académique est importante pour la foi chrétienne, pour les Églises, et pour la culture en général, car elle nous invite sans cesse à réfléchir. Elle cherche à rendre notre foi plus réfléchie, elle permet aux institutions ecclésiales de sans cesse se renouveler dans leur pratique et leur doctrine, elle propose des réponses aux grandes questions de la foi et de l'existence humaine.
Aussi précieuse soit-elle, cette théologie académique n'est pas la seule qui existe. La théologie n'est pas uniquement celle des universitaires. Il est possible d'en faire autrement, en employant des méthodes plus simples, en partant de données culturelles plus proches de nous et en utilisant un vocabulaire plus familier. C'est cette théologie par tous, ouverte à la participation de chacune et de chacun, que nous voulons présenter ici. Comme nous aurons l'occasion de le démontrer, cette théologie populaire n'est pas une théologie au rabais ou simplement vulgarisée ! Elle est tout aussi nécessaire, riche et théologique que celle dite « académique ».
Trois raisons nous invitent à la valoriser. La première d'entre elles est directement impliquée par une définition que nous défendons de la théologie, qui contribue à faire de chacun de nous un théologien. Est théologique, selon nous, tout ce qui produit une image de Dieu, tout ce qui émet une proposition sur lui. Or qui d'entre-nous n'a pas un jour pensé à Dieu ? Qui d'entre-nous ne s'est pas au moins une fois dans sa vie projeté une image de Dieu ? La deuxième raison est liée à notre compréhension de la notion de « sacerdoce universel ». Ce principe, important dans le protestantisme, mais aussi dans le catholicisme à travers la notion de « sacerdoce de tous les baptisés », souligne entre autre le fait que la Bible et son interprétation ne sont propriétés de personne mais l'affaire de tous. Enfin, nous défendons une théologie ouverte à la participation de chacune et de chacun, car elle peut largement renouveler l'ensemble de la réflexion théologique. La théologie populaire apporte une contribution créative à la théologie en général, approche académique comprise.
Comme son étymologie nous l'enseigne, la théologie est un discours sur Dieu, une parole qui cherche à donner du sens à la notion ou à l'idée de Dieu. Il est donc possible de qualifier de « théologique » tout ce qui parle de lui, tout ce qui dit quelque chose à son sujet.
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Raphaël Picon,
Professeur à la Faculté libre de théologie protestante de Paris
 
Source : Tous théologiens, Raphaël Picon, Éditions van Dieren, octobre 2001, introduction
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