Pour les cathares, Jésus n'était pas Dieu
Axes dominants de la théologie cathare
Les cathares sont des chrétiens du Moyen Age et des chrétiens intelligents. Parce qu'ils sont redevables de leur époque, ils ont souvent des positions fermes. Mais, parce que les théologiens cathares sont intelligents, ils ne veulent pas avoir un dogme officiel, ni légiférer sur tout.
À propos de la puissance du Mal, de l'identité du Christ sur terre ou des modalités de notre salut, des options dominantes se dégagent chez eux, mais elles ne sont ni uniques, ni obligatoires. Les théologiens cathares sont des hommes de terrain, plus soucieux du message à apporter à leurs fidèles que d'une réflexion théologique spéculative.
De la théologie cathare, je propose ici quatre axes déterminants.
1 - Dieu, le mal et le salut
Pour les cathares, la pierre de touche incontournable, c'est l'amour de Dieu. Parce que le Père est amour et que l'on ne peut pas nier l'existence du mal sur terre, il n'est pas tout-puissant. Aujourd'hui, dans ce monde, l'œuvre de Dieu est contrecarrée par celle de l'Ennemi, le Prince de ce monde.
Se référant à l'enseignement de l'évangile de Jean, les cathares ne croyaient pas en un second dieu, mais en l'existence d'un principe du mal. Pour eux, le dualisme ne fut jamais un dogme, mais le fruit d'une réflexion évolutive sur le problème du mal. De ce fait, la plupart des cathares croyaient en un salut généralisé. Dieu ne peut pas vouloir un enfer éternel. Le mal n'a eut que peu temps pour se manifester. « Toutes les âmes sont à Dieu, disaient-ils, et toutes retourneront à lui, mêmes les âmes des inquisiteurs ». Un tel message ne manquait pas de plaire en un temps où la prédication de l'église officielle se fondait en grande partie sur la peur de l'enfer.
La majorité d'entre eux optèrent d'abord pour un dualisme mitigé, la théologie sous-jacente du livre de Job (Satan est une créature céleste, révoltée contre son créateur, mais dépendante de lui), pour opter ensuite pour un dualisme absolu (Satan existe dès les origines, il est le créateur de ce monde qui ne reflète de loin pas la perfection céleste, mais il sera anéanti).
Enfin, les cathares étaient souvent les adeptes, non de la réincarnation au sens bouddhiste du terme, mais des transmigrations successives des âmes jusqu'à leur salut final auprès du Père. Rappelons qu'alors les thèmes du dualisme et de la chute des anges étaient reconnus par beaucoup et nullement considérés hérétiques.
2 - Le Christ et Jésus
Concernant la personne de Jésus, les cathares n'ont pas une position claire. La plupart d'entre eux sont docètes : Jésus serait une puissance céleste à apparence humaine, donc plus que spirituelle. D'autres se disaient adoptianistes : Jésus serait un homme transformé par son baptême, tout en restant lui-même. Les cathares reconnaissaient une alliance exceptionnelle entre le Christ et Jésus, sans qu'il y ait une totale adéquation de l'un à l'autre. Le dogme de la double nature du Christ (vrai homme et vrai Dieu) leur est étranger.
Si les cathares n'ont pas une position commune quant à la personne de Jésus, ils se retrouvent tous à propos de sa mission : il annonce le Royaume de Dieu et, ainsi, appelle toutes les âmes à la lumière. Jésus est le porte-parole d'un message libérateur signifié par le Consolament ou baptême de l'Esprit.
Jésus est donc le chantre qui invite les âmes à retrouver leur vraie patrie : le Royaume du Père. En revanche, les cathares dénient à Jésus une vocation sacrificielle, comme toutes les églises officielles l'enseignent. Pour eux, l'idée d'un sacrifice nécessaire et voulu par Dieu pour sauver les hommes contredit la plénitude d'amour qui est en lui. À leurs yeux, l'importance donnée à la Croix est un contresens théologique et symbolique.
3 - L'Esprit et la trinité
Les cathares employaient des formules trinitaires, mais la trinité en tant que dogme ne signifiait rien pour eux. Pour eux, explicitement, Jésus n'était pas Dieu.
Au centre de leur conviction, il n'y a pas la personne de Jésus ou une visée sacrificielle liée à lui, mais la relation directe et personnelle avec Dieu, sans autre médiatisation que l'Esprit. Nous sommes proches de la théologie du réformateur Ulrich Zwingli. Le pasteur Napoléon Peyrat, historien des cathares, parlera de l'église chrétienne du Paraclet. L'hérésie cathare est bien d'être une église de la Pentecôte plus que de Pâques : l'Esprit avant le sacrifice de Jésus.
Aussi, en son temps, le catharisme constitue bien une tendance spiritualiste et mystique du christianisme – au sens large du terme – non focalisée sur le sacrifice et les mérites du Christ.
Ce courant s'accompagne du refus de l'emprise de l'institution ecclésiale sur les âmes et les consciences. Spirituellement, c'est bien une voie de liberté.
4 - Le sacrement cathare
Le Consolament, le don de l'Esprit, est le seul sacrement reconnu et pratiqué par les cathares. Chez eux, il y avait des agapes – prières et fraction du pain avant chaque repas – mais aucunement un sacrement lié à la mort et à la résurrection de Jésus.
Le Consolament était pour eux le signe du baptême ou de l'entrée en vie chrétienne ; il était aussi sacrement de pénitence et de pardon ; signe d'ordination et d'entrée en vie monastique.
Il tenait lieu également d'extrême onction, ce que les cathares appelaient : faire une bonne fin.
Pour eux, ce sacrement résumait et englobait tous les autres. On sait que le clivage originel entre l'Église catholique et l'Église cathare portait sur la christologie et les sacrements et d'aucune manière, comme aujourd'hui, sur la question du dualisme ou des chemins conduisant au salut.
La pratique sacramentelle cathare est l'expression fidèle de leur théologie, toute axée sur l'Esprit et la relation personnelle avec Dieu. Le sacrement, bien que transmis par l'Église instituée, relie directement à Dieu et ne fait qu'indirectement de l'église la médiatrice du salut.
Pierre-Jean Ruff, pasteur
Source : Profils de liberté, le 28 décembre 2003
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